Le Hatha Yoga Pradipika est probablement le plus ancien texte existant sur le Hatha Yoga, écrit au 15ème siècle de notre ère par Swami Swatmarama, un disciple de Swami Goraknath.
Pradipika signifie « lumière » ou « éclairer », ha signifie « soleil », tha signifie « lune » et yoga ou yug signifie « joindre », « union ». Le titre suggère donc : la lumière sur la façon de rejoindre le soleil et la lune.
Une autre façon de le dire serait : La lumière sur la façon d’aller au-delà de toutes les limites posées par la vie dans une réalité mondaine où la nature et l’esprit sont séparés. Vu sous cet angle, le hatha yoga est une pratique tantrique car il tente de créer une harmonie entre les deux énergies de la vie : la pranique et le mental.
Cette paire peut également être décrite comme la shakti, ou courant froid féminin, qui circule dans le nadi ida, et le mental, ou courant chaud masculin, qui circule dans le nadi pingala. Lorsque leur union a lieu dans le canal central (sushumna nadi), c’est l’union du corps et de l’esprit, et c’est l’éveil de la conscience supérieure.
Le Hatha Yoga Pradipika est, avec la Gheranda-Samhita (1650), l’un des manuels les plus détaillés décrivant les techniques du Hatha Yoga. Contrairement à la croyance populaire de notre époque qui définit le hatha yoga comme un « yoga facile », le hatha yoga est tout sauf facile. Il n’est certainement pas destiné aux âmes sensibles ou à ceux qui manquent de volonté. Le hatha yoga est le yoga que l’on atteint par la force, avec des kriyas physiques difficiles et des actions de nettoyage et de purification comme pratique initiale.
Dans le passé, il a été défini comme le système de yoga qui attache le pratiquant à un pieu jusqu’à ce qu’il soit bien cuit. Sa pratique exige une maîtrise complète du corps physique et mental, rendant le corps et l’esprit capables de supporter des états extatiques prolongés d’union avec l’infini. Le samadhi, ou état d’éveil, n’est pas seulement une expérience mentale ; c’est un événement psychocinétique ou corps/esprit entier, qui implique chaque fibre, cellule et tissu.
Entendre véritablement, c’est connaître véritablement.
Toutes les méthodes de pratique décrites dans le texte sont des moyens d’atteindre la réalisation du Soi et de se libérer ainsi de l’identification de l’ego et des limitations de l’avidya (identité erronée). L’intention qui sous-tend les pratiques ardues du Hatha Yoga doit être l’illumination pour le bien du Soi cosmique. Si cette intention élevée n’est pas présente, les pratiques peuvent être contraignantes car elles permettent d’atteindre des pouvoirs surnaturels, ce qui, dans le corps de celui qui n’a pas développé l’humilité et la compassion, peut conduire à l’arrogance, au narcissisme et à l’égocentrisme.
Le texte est composé de quatre chapitres. Le premier chapitre traite de l’Asana, le deuxième du Shatkarma et du Pranayama, le troisième des mudra et bandha, et le quatrième : Samadhi. Le chapitre un contient des directives pour la sadhana ainsi que la manière d’effectuer les différents asanas et des suggestions de restrictions alimentaires qui peuvent aider à la pratique de la méditation. Le chapitre deux traite principalement des techniques (les shat (six) karmas) pour nettoyer le corps physique, des exercices de respiration qui purifient le corps pranique par la rétention du souffle (kumbak), et de diverses pratiques pour équilibrer les doshas et libérer les énergies bloquées. Le chapitre trois se concentre sur l’utilisation des mudras (gestes) et des bandhas (verrous), des moyens d’éveiller la kundalini et de diriger l’énergie vers l’illumination. Le chapitre quatre décrit et donne d’autres techniques pour atteindre la perfection sous forme d’audition.
Selon le Hatha Yoga Pradipika, le Samadhi est atteint lorsqu’il y a développement d’un corps sain et d’un esprit sain ; l’atteinte de la perfection par le yogi se fait sous la forme du son non frappé – le nadam. En pratique, le yoga est atteint lorsque l’on est capable d’entendre Dieu, l’absolu comme le pranava, le nadam.
Quelle sont les différences entre les Yogas Sutras de Patanjali et le Hatha Yoga Pradipika ?
L’approche la plus ancienne de la pratique du yoga est décrite dans les Yoga Sutras de Patanjali. C’est dans le système de Patanjali que nous trouvons les 8 membres du yoga :
- Yama, Niyama,
- Asana,
- Pranayama,
- Pratyahara,
- Dharana,
- Dhyana
- Samadhi
Il s’agit du flux graduel et systématique qui vous mènera de la conscience normale à la réalisation suprême. Il s’agit d’une méthode éprouvée qui a résisté aux épreuves du temps (elle a plus de 2000 ans !)
Si vous examinez les Sutras de plus près, vous remarquerez que Patanjali s’est surtout concentré sur la méditation et la nature de l’esprit. Il mentionne à peine les asanas et les postures et déclare essentiellement qu’un asana est destiné à la méditation. Nous savons tous que les asanas ne servent pas uniquement à la méditation assise et que la pratique des asanas est également très vaste et amusante.
La vérité est que Patanjali ne s’intéressait pas au corps ; il ne mentionne pas la santé, la force, la souplesse, la clarté ou aucune des pratiques auxquelles nous sommes habitués. En fait, nous voulions simplement mettre le corps sur le tapis et l’oublier. À l’époque des Yoga Sutras, il est possible que les Salutations au Soleil n’existaient même pas ! Il s’intéressait avant tout à la qualité de votre esprit et à votre pouvoir de méditation. La méditation (Dhyana), dit-il, est l’essence du yoga.
Plusieurs centaines d’années après la rédaction des Yoga Sutras, un nouveau système de pratique du yoga est apparu, avec un flux différent et des techniques différentes pour nous amener à la conscience suprême. Cette méthode a été baptisée Hatha Yoga. Elle abordait l’évolution consciente avec un tout autre ensemble d’outils et de pratiques, et le Hatha Yoga est ce que nous pratiquons réellement lorsque nous montons sur le tapis.
N’oubliez pas que tout véritable système de yoga est conçu pour affiner votre conscience et vous faire passer du bas vers le haut. Ce ne sont que les méthodes qui diffèrent. Le hatha yoga a reconnu que le corps était en fait un outil extraordinaire pour faire évoluer notre conscience. Si l’on travaille avec le corps et qu’on le modifie de manière spécifique et particulière, on peut également agir sur la conscience supérieure. Fondamentalement, cela commence au début, avec le corps. Patanjali commence assez loin sur la route et va directement dans un domaine très difficile à travailler : l’esprit.
Le Hatha Yoga est basé sur le travail avec le Prana : la force vitale. Le déroulement des pratiques est différent de celui des 8 membres.
Le Hatha Yoga commence par des pratiques de purification appelées Shatkarma. Ces pratiques sont destinées à chasser les maladies du corps et à ouvrir la santé rayonnante et les canaux du flux pranique. Certains d’entre nous pratiquent encore quelques-uns des Shatkarmas comme la respiration Kapalabatti ou le nettoyage nasal Neti. La plupart des autres sont tombés en disgrâce, sauf auprès des yogis traditionnels.
Après la purification vient l’Asana. Le hatha yoga a développé le yoga du corps et l’a affiné en une vaste pratique comportant de nombreuses postures et approches. Il a été conçu pour nous rendre forts, flexibles et équilibrés afin que notre Prana circule bien.
Après la pratique des asanas, on travaille avec le pranayama. Il s’agit, bien entendu, du yoga de la respiration et du prana qui développe la force vitale personnelle et rend le yogi vibrant et connecté aux flux d’énergie.
La quatrième partie du flux du Hatha Yoga est la pratique des Bandhas, où l’énergie est puissamment redirigée vers les canaux du corps qui influencent la conscience supérieure. C’est à ce stade que la pratique devient très intense et transformatrice. Beaucoup d’entre nous connaissent et pratiquent les bandhas, mais pas dans la mesure où ils sont utilisés à ce stade. Cette pratique des bandhas se fait en grande partie avec la respiration interrompue en kumbhaka pendant de longues périodes. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle est difficile !
L’étape suivante est appelée Mudra. Les mudras sont des flux énergétiques spéciaux et uniques qui amènent notre conscience à un niveau supérieur. Beaucoup sont effectués avec les mains et les doigts, mais il existe de nombreux autres mudras qui impliquent le corps entier. Ils sont destinés à créer des flux praniques de manière très spécifique qui préparent le yogini à l’étape ultime du Hatha Yoga.
Cette dernière étape du Hatha Yoga, la plus élevée et la plus difficile, est l’éveil de la Kundalini Shakti. La Kundalini est la force ultime de l’énergie qui est en nous. Lorsqu’elle s’éveille, elle illumine les centres d’énergie situés le long de la colonne vertébrale, appelés chakras. L’activation des chakras permet au yogi d’accéder aux plus hauts niveaux de conscience.
Finalement le yoga de Patanjali et le hatha yoga ont tous deux le même objectif : l’activation de la conscience la plus élevée, mais la façon d’y parvenir est très différente. Les deux systèmes méritent d’être étudiés plus en profondeur car ils nous offrent la possibilité d’apprendre à nous transformer véritablement avec grâce et conscience.